Kevin, 22 ans, Ă©tudiant AESI en nĂ©erlandais-histoire, a rejoint les camarades de RĂ©volution en 2011. Sa grande passion est la photographie engagĂ©e. Vous le rencontrerez au dĂ©tour d’une manifestation, d’une action citoyenne, d’un meeting qu’il arpente accompagnĂ© de son appareil photo, toujours Ă l’affut du bon clichĂ©.
Jeune homme discret, il possède Ă la fois la force tranquille, l’agilitĂ© et l’intelligence affective qui le rendent si particulier. Il a l’œil pour immortaliser les Ă©motions affichĂ©es sur les visages, ces instants que les autres ne perçoivent pas toujours : la dĂ©tresse d’un sans-papier, l’angoisse d’un parent, la colère d’un travailleur… C’est ce qui fait l’authenticitĂ©, la beautĂ©, la sensibilitĂ©, l’esthĂ©tique de ses clichĂ©s.
Voici ce que Kevin nous raconte sur sa passion.
AH : Est-ce que tu te définis comme un reporter politique ?
KV : Oui absolument. Quand je photographie, je ne suis pas neutre. J’ai un but : celui de montrer des luttes politiques et sociales. C’est pourquoi je me dĂ©finirais plus comme reporter politique que comme reporter tout simplement.
AH : Comment as-tu découvert la photo ?
KV : Je me suis intĂ©ressĂ© Ă la photographie en prenant une ancienne camĂ©ra de mon grand-père lorsque je participais Ă des manifestations. J’ai commencĂ© ainsi petit Ă petit en faisant de simples photos lors des manifs. Progressivement, je suis donc passĂ© du statut de manifestant Ă celui de photographe.
AH : Y a t’il selon toi diffĂ©rents types de photographe dans les manifestations ? Et si oui, dans quelle catĂ©gorie te situerais-tu ?
KV : Oui. Pour commencer, il y a les photographes de presse pour les agences. Eux, ils mitraillent et puis ils envoient les clichĂ©s. Je ne fais pas partie de cette catĂ©gorie-lĂ . J’essaie toujours d’ĂŞtre discret et de ne pas trop me montrer. C’est ma personnalitĂ© et je pense que ça a aussi une influence sur mes photos. Et puis il y a les photographes qui font de la photo pour la photo ou comme instrument politique. Je me situe plutĂ´t dans cette catĂ©gorie. Nous avons un angle de vue diffĂ©rent sur les manifestations et les manifestants de par notre engagement politique.
AH : Je t’ai observĂ© et j’ai constatĂ© que tu peux rester un laps de temps assez long Ă scruter avant de prendre un clichĂ©. Qu’est ce que tu recherches pendant ce temps d’observation ?
KV : Je ne rĂ©flĂ©chis jamais à ça. C’est vrai qu’il y a des moments pour faire des photos. Il faut qu’une scène soit intĂ©ressante. J’aime l’expression que l’on voit sur les visages et surtout les extrĂŞmes. Par exemple, les gens crient très très fort ou Ă l’inverse ils sont très calmes. Aucun photographe n’aime prendre des photos quand il n’y a rien d’intĂ©ressant Ă voir…
AH : Et donc qu’est ce qu’il y a d’intĂ©ressant pour toi ?
KV : Pour moi c’est vraiment l’expression en gĂ©nĂ©ral. C”est l’Ă©motion que l’on voit parfois dans une photo. C’est ça que j’aime le plus.
AH : Un militant m’a dit : « Une photo vaut plus qu’un discours ». Qu’est ce que tu en penses ?
KV : Pour moi ce n’est pas vrai. La seule chose qu’une photo peut faire c’est toucher. Après il faut des mots pour expliquer la situation.
AH : Qu’attends-tu de tes clichĂ©s ?
KV : Tout dĂ©pend de la photo que je fais. Si c’est des photos de manifestations, mon but est de renseigner et exposer les diffĂ©rentes luttes : contre le fascisme, le racisme… Montrer qu’il y a des personnes qui descendent dans la rue pour dĂ©noncer la politique d’austĂ©ritĂ©… Par contre quand je prends des photos des Afghans, par ex.,c’est plutĂ´t pour faire prendre conscience de l’existence de ces personnes, pour montrer leur histoire. Beaucoup de monde ne savait mĂŞme pas qu’ils vivaient dans une Ă©glise Ă Bruxelles. Dans ce genre d’histoire , la photo peut jouer un grand rĂ´le pour conscientiser la population.
AH : Comment fais-tu pour montrer tes photos ?
KV : Pour l’instant c’est surtout Facebook ou un mailing de diffusion. Dans mon cercle d’amis, il y a beaucoup de personnes qui n’ont pas le mĂŞme niveau de conscience politique. Et Facebook pour ça n’est pas mal du tout pour faire circuler mes photos.
AH : Tu discutes souvent avec tes amis non conscientisés politiquement de tes photos ?
KV : Oui comme les Afghans, c’est le meilleur exemple, ou l’expulsion du squat ‘Gesu’. Mes amis me parlent aussi de la manifestation qui a Ă©tĂ© organisĂ©e contre la venue des fascistes grecs. Ils ne savaient pas que des militants du parti « Aube dorĂ©e » allaient tenir un discours ici Ă Bruxelles. Pour eux c’Ă©tait incroyable que des nazis puissent tenir une soirĂ©e ici.
AH: Donc à travers tes photos tu arrives à susciter un débat avec tes amis ?
KV : Oui après cela on passe à la discussion politique.
EDM: As-tu déjà eu un retour, autre que celui de tes amis, de tes photos ? Les Afghans, par exemple, ont-ils vu tes photos ?
KV : Ah oui . Je les ai même imprimés pour leur montrer !
EDM : Et quelles étaient leurs impressions ?
KV : Ils Ă©taient très contents de se voir sur les photos. C’Ă©tait aussi pour eux une ligne du temps pour voir les diffĂ©rents moments qu’ils avaient dĂ©jĂ vĂ©cus ici Ă Bruxelles.
EDM : Voudrais-tu vivre de la photographie professionnellement ?
KV : Oui, mais ce n’est pas facile de faire carrière dans ce domaine. Je ne pourrais pas travailler la moitiĂ© du temps dans un studio et faire du travail commercial. Et en Ă©tant journaliste photo pour des journaux, tu dois suivre les lignes rĂ©dactionnelles, que j’aurais dur Ă respecter.
AH : Si demain tu pouvais réaliser le reportage de ton choix, quel serait-il ?
KV : J’aimerais photographier les sans-papiers de Calais en France. Ces rĂ©fugiĂ©s qui essayent de traverser la Manche. J’ai vu des images très fortes Ă ce sujet !


