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L’affaire de l’abaya en France : une dérive raciste et une diversion de plus

En septembre de cette annĂ©e, le gouvernement français a lancĂ© une nouvelle offensive idĂ©ologique islamophobe. Il a dĂ©cidĂ© d’interdire l’abaya, un vĂŞtement traditionnel arabe, dans les Ă©coles. L’objectif affichĂ© de cette mesure : lutter contre le communautarisme et faire respecter la « laĂŻcitĂ© Â». Mais il est de plus en plus flagrant pour tout le monde qu’il ne s’agit que d’une dĂ©rive raciste et d’une Ă©nième tentative de diversion pour Ă©viter qu’en ce dĂ©but d’annĂ©e scolaire, les Français ne parlent des mauvaises conditions d’enseignement et du bilan catastrophique des politiques en la matière de l’ancien ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer.

Mais qu’est-ce que l’abaya exactement ?

Selon Euronews, il n’existe pas de texte religieux dans l’Islam qui exige le port de cette tenue. Le 9 fĂ©vrier 2018, le cheikh saoudien Abdullah al-Mutlaq indique que le port de l’abaya ne fait pas partie des impĂ©ratifs religieux pour les femmes musulmanes. Le 2 novembre 2022, le vice-prĂ©sident du Conseil français du culte musulman confirme que l’abaya n’est pas une tenue religieuse mais plutĂ´t une forme de mode vestimentaire. Selon Le Petit Journal, elle est un habit traditionnel des BĂ©douins devenu plus tard dans la pĂ©ninsule arabique un symbole religieux islamique valorisant la modestie de la femme, mais elle est aussi perçue comme un hĂ©ritage culturel diffĂ©rent de la question religieuse.

Ce n’est donc pas un vêtement religieux et il a donc été très difficile pour les directeurs d’établissement scolaire et leur personnel de distinguer une abaya d’un autre vêtement. Ainsi en ce début d’année scolaire, les interdictions d’accéder à l’école se sont faites bien davantage au faciès que sur base du port de l’abaya. Par exemple une fille musulmane a été exclue momentanément de l’école publique car elle portait un pantalon noir et une veste à manche longue…

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Plus ou moins au même moment, lors du dîner de prestige organisé en grande pompe par Macron pour recevoir le roi d’Angleterre, les invités portaient des robes longues couvrant tout le corps et la France conservatrice entière était en admiration devant ce spectacle pourtant si onéreux.

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Lutter contre le communautarisme en excluant des jeunes de l’école ?

Il serait intĂ©ressant de demander aux reprĂ©sentants du gouvernement français comment ils comptent « lutter contre le communautarisme Â» en privant des jeunes filles d’un enseignement rĂ©publicain, les isolant ainsi davantage ? Ou encore comment ils comptent « faire respecter la laĂŻcitĂ© Â» en stigmatisant des musulmans ?

On pourrait aussi leur demander comment ils comptent lutter contre le sexisme et l’oppression des femmes en les privant d’éducation et en leur interdisant de s’habiller comme elles l’entendent ? Que ce soit l’interdiction des crop top ou de l’abaya, dans les deux cas c’est une atteinte aux libertĂ©s des femmes.

Mais alors pourquoi ?

Pourquoi donc alors le gouvernement bourgeois français sort cette carte hideuse de sa manche lors de la rentrĂ©e scolaire ? Car, comme il le fait rĂ©gulièrement avec le burkini et le voile dans l’espace public, il tente de diviser les Français, de les monter les uns contre les autres pour Ă©viter que ceux-ci ne voient ce qu’ils sont en train de faire grâce Ă  leur système capitaliste exploiteur et inĂ©galitaire. Cette fois-ci particulièrement, il s’agissait d’éviter de parler des vrais problèmes de l’Éducation nationale.

Et si beaucoup sont tombĂ©s dans le piège du racisme et de l’islamophobie, d’autres on Ă©tĂ© bien plus malins, comme certaines directrices d’établissement scolaire qui, alors qu’elles Ă©taient invitĂ©es sur les plateaux tĂ©lĂ©s pour rĂ©pondre Ă  des questions sur l’abaya, ont clairement et patiemment expliquĂ© qu’elles n’étaient pas venues pour parler de cela car ce n’est en rien un problème, mais bien pour parler des problèmes actuels de l’enseignement public en France (qui sont les mĂŞmes qu’en Belgique) : le manque de moyens allouĂ©s, le manque de professeurs et le nombre trop Ă©levĂ© d’élèves par classe (selon les sondages IPSOS, plus de la moitiĂ© des Français trouvent que l’enseignement « fonctionne mal Â»).

Et si ces personnes avaient eu davantage de temps de parole, peut-ĂŞtre auraient-elles aussi Ă©voquĂ© les consĂ©quences dĂ©sastreuses du manque de moyens des services publics en Outre-mer oĂą les classes sont parfois de vraies fournaises l’étĂ© et dont certaines sont sujettes Ă  des inondations, Ă  des coupures de courant et aux parasites animaux tellement elles sont mal entretenues et dĂ©labrĂ©es, tandis que d’autres sont tellement mal desservies par le trop peu de transports en commun que beaucoup de famille rencontrent des difficultĂ©s pour s’y rendre. Une vĂ©ritable « Ă©cole en sous-France Â» comme certains l’appelle ironiquement… qui n’est donc mĂŞme pas en mesure d’accueillir tous les enfants ultramarins puisqu’un certain nombre d’entre eux vivant trop loin et/ou dans des bidonvilles, restent dĂ©scolarisĂ©s…

La nécessité d’un monde socialiste

Finalement, c’est seulement 300 Ă©lèves, sur les 12 millions ayant fait leur rentrĂ©e cette semaine, qui se sont prĂ©sentĂ©es en abaya devant leur Ă©tablissement, et 67 d’entre elles ont refusĂ© de la retirer, selon le ministère de l’Education nationale. Cela concerne donc extrĂŞmement peu de personnes au regard du nombre d’enfants que va toucher le sous-financement des Ă©coles publiques… Mais pour la bourgeoisie cette Ă©nième « polĂ©mique cancer Â» raciste est du pain bĂ©ni, et elle le sait pertinemment.

Dans la continuitĂ© idĂ©ologique du gouvernement raciste français, une directrice de la Haute Ecole EPHEC Ă  Bruxelles a elle aussi tentĂ© d’importer ce dĂ©bat chez nous en dĂ©clarant dans son discours de dĂ©but d’annĂ©e que ce vĂŞtement devait ĂŞtre banni des Ă©coles. Une pĂ©tition a alors Ă©tĂ© lancĂ©e et a recueilli +- 6 000 signatures pour protester et rappeler que ce genre de mesure va clairement Ă  l’encontre du vivre ensemble.

Mais le mal est fait. Le simple que fait que ce genre de débat s’importe ici de plus en plus souvent montre bien que le système capitaliste a besoin du racisme et du sexisme (et des autres oppressions) pour exister et diviser les travailleurs en même temps qu’il permet aux dirigeants de la classe capitalistes de détourner, par exemple, le débat sur le manque criant de moyens financiers de l’enseignement belge vers d’autres sujets.

Seule une société de type socialiste permettra à la fois de fournir à l’éducation nationale suffisamment de moyens en même temps qu’elle permettra de lutter efficacement contre toute forme d’oppression spécifique en mettant au cœur de ses débats publics la nécessité d’être unis et solidaires dans nos luttes contre la bourgeoisie et le monde qu’elle nous impose. La banalisation et la généralisation de ces dérives racistes ne sont pas sans rappeler ce que les fascistes ont fait en leur temps et personne ne veut goûter à nouveau au lot de souffrances de ce type de société capitaliste, même ceux qui aujourd’hui se laissent gagner par les discours racistes (même s’ils l’ignorent encore).

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