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La défaite de Syriza : un « virage à droite » de la Grèce ?

En janvier 2015, après cinq annĂ©es de rĂ©cession et de politiques d’austĂ©ritĂ© draconiennes, le parti Syriza (« gauche radicale Â») Ă©tait portĂ© au pouvoir par un puissant mouvement des masses grecques.

Elu sur un programme de rĂ©formes progressistes (augmentation des salaires et des pensions, embauche de fonctionnaires, etc.), le gouvernement d’Alexis Tsipras annonçait son intention d’appliquer son programme tout en renĂ©gociant avec la « troĂŻka Â» (UE, BCE, FMI) les termes du remboursement de la dette publique grecque.

Ces illusions furent vite balayĂ©es. Le grand Capital europĂ©en – et surtout allemand â€“ avait un objectif central : forcer Tsipras Ă  poursuivre les politiques d’austĂ©ritĂ© de ses prĂ©dĂ©cesseurs. En juin 2015, les dirigeants europĂ©ens prirent des mesures pour asphyxier le système financier grec. La main serrait la gorge non pour tuer, mais pour faire cĂ©der. Pour s’en dĂ©gager, Tsipras aurait dĂ» rompre avec le capitalisme grec, rĂ©pudier la dette et appeler tous les travailleurs d’Europe Ă  suivre cet exemple.

Mais Tsipras cĂ©da aux exigences de la « troĂŻka Â», le 13 juillet, après avoir pourtant obtenu 60 % de « non Â» Ă  l’austĂ©ritĂ© lors du rĂ©fĂ©rendum du 5 juillet. Dans la foulĂ©e, le gouvernement de Syriza fit exactement ce qu’attendait de lui la bourgeoisie europĂ©enne : coupes budgĂ©taires, privatisations, contre-rĂ©formes, etc.

Les Ă©lections de juillet 2019

C’est dans ce contexte qu’il faut analyser la victoire de Nouvelle DĂ©mocratie (ND, droite), lors des Ă©lections lĂ©gislatives du 7 juillet dernier. Est-ce que les masses grecques « virent Ă  droite Â», comme l’affirment certains militants de gauche dĂ©pitĂ©s ? Non. ND n’a pas rassemblĂ© au-delĂ  de sa base sociale traditionnelle (la bourgeoisie et la petite bourgeoisie). Elle profite du dĂ©clin du parti fasciste Aube DorĂ©e (qui passe de 7 % Ă  3 %), mais elle ne rĂ©unit pas plus de voix que le « oui Â» au rĂ©fĂ©rendum du 5 juillet 2015. C’est donc une victoire de la droite par dĂ©faut, sur fond d’abstention massive (42 %) et de recul de Syriza (qui perd 500 000 voix depuis 2015).

Mais les thĂ©oriciens du « virage Ă  droite Â» de la Grèce insistent : « malgrĂ© sa politique rĂ©actionnaire, depuis 2015, Syriza rĂ©siste bien (30 %). Cela prouve qu’il n’y a pas d’espace pour une politique de gauche radicale Â».

Cette interprĂ©tation est très superficielle. Les 30 % de Syriza ne reposaient pas sur l’enthousiasme que suscite la politique de ce parti, mais plutĂ´t sur la volontĂ© de faire barrage au retour de la droite au pouvoir. Or, cette tendance au soi-disant « vote utile Â» Ă©tait d’autant plus forte que la gauche radicale – et, notamment, le Parti Communiste grec (KKE) â€“ n’est pas parvenue Ă  prĂ©senter un programme et une perspective crĂ©dibles.

La stagnation du KKE

Avec 300 000 voix (5,3 %), le KKE a fait pratiquement le mĂŞme score qu’aux Ă©lections de 2012. Il stagne, donc, malgrĂ© la crise du capitalisme et la capitulation de Syriza. Pourquoi ?

C’est clair : les dirigeants du KKE ont multipliĂ© les erreurs. Entre 2010 et 2015, lorsque Syriza Ă©tait en pleine ascension, ils ont adoptĂ© Ă  son Ă©gard une attitude complètement sectaire, refusant de lui accorder un soutien critique face Ă  la droite. La direction du KKE est allĂ©e jusqu’à appeler Ă  l’abstention lors du rĂ©fĂ©rendum – pour ou contre l’austĂ©ritĂ© â€“ du 5 juillet 2015 ! Ce sectarisme forcenĂ© a isolĂ© le parti de larges couches de la jeunesse et du salariat.

En consĂ©quence, lorsque Tsipras a capitulĂ©, le 13 juillet 2015, le KKE n’était pas en bonne posture pour incarner une alternative rĂ©volutionnaire Ă  la faillite de Syriza. Il l’était d’autant moins qu’il a eu tendance, par la suite, Ă  mettre entre parenthèses son programme de rupture avec le capitalisme, au profit d’un discours Ă©lectoraliste sur la nĂ©cessitĂ© d’une « opposition forte Â». Au lieu d’expliquer systĂ©matiquement la nĂ©cessitĂ© de renverser le capitalisme et de porter les travailleurs au pouvoir, il a laissĂ© entendre qu’un changement radical ne serait possible qu’à plus ou moins long terme.

C’est dans ce contexte prĂ©cis que Syriza a rĂ©ussi Ă  apparaĂ®tre comme le « moindre mal Â», face Ă  une droite qui s’engage Ă  aggraver brutalement les contre-rĂ©formes et le programme de privatisations.

Perspectives

Ceci dit, il est peu probable que Syriza joue un rĂ´le important dans l’opposition au gouvernement de droite. Les travailleurs n’oublieront pas la trahison de Tsipras. En outre, la direction de Syriza cherche Ă  le stabiliser comme « parti de gouvernement Â» (comprenez : pro-capitaliste).

Dans ce contexte, le KKE peut jouer un rôle décisif dans la période à venir, qui sera marquée par des luttes explosives. Mais pour cela, le parti devra corriger les erreurs de sa direction. Le KKE, qui compte sur des militants nombreux et dévoués, doit désormais combler le fossé qui le sépare des masses. Un large débat doit s’ouvrir, dans le parti, pour lui permettre de renouer avec les idées authentiques du marxisme révolutionnaire.

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